« Débat et vote sur la demande du Gouvernement d’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées au Mali »: mon intervention en hémicycle au nom du groupe écologiste (22.04.13)
A l’occasion du débat demandé par le Gouvernement sur l’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées au Mali, je suis intervenue en séance publique le 22 avril 2013.
Le compte-rendu intégral des débats est également consultable sur le site du Sénat.
Séance publique, lundi 22 avril 2013, dès 21h30
Kalliopi ANGO ELA, sénatrice écologiste
représentant les Français établis hors de France
10 minutes
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères,
Mes cherEs collègues,
Le Sénat doit aujourd’hui, en vertu de l’article 35 alinéa 3 de la Constitution, autoriser la prolongation de l’intervention française au Mali qui a débuté le 11 janvier 2013.
En effet, lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement, et ce depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Si je salue évidemment, avec les membres du Groupe écologiste, le fait que le parlement se prononce désormais par un vote sur une décision qui, avant 2008, relevait exclusivement de l’exécutif, je regrette, cependant, que les contraintes de calendrier (et en particulier celles liées à la suspension des travaux parlementaires), nous obligent à débattre avant même que l’ONU ne se soit prononcée sur la résolution autorisant la création de la MINUSMA. Je reviendrai d’ailleurs sur ce point important.
Je souhaite articuler mon intervention au travers des trois phases qui me semblent essentielles dans ce débat :
– La phase militaire : que j’espère des plus brèves
– La phase politique : qui est celle de la nécessaire reconstruction des institutions maliennes, et enfin,
– La phase économique et sociale : celle des importants défis de développement, enjeux d’une paix durable au Mali et pour les Etats du Sahel.
1- La question qui nous est posée aujourd’hui est celle de l’autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées au Mali.
Le Gouvernement nous a fait savoir que le retrait des forces françaises du Mali, qui a déjà débuté, sera « progressif, sécurisé, et pragmatique ». Je cite ici notre Ministre de la Défense, dans un communiqué datant d’il y a une dizaine de jours. Vous avez d’ailleurs, Monsieur le Premier Ministre, confirmé à l’instant ces objectifs, qui avaient été annoncés par le Président de la République. Sur un peu moins de 4000 militaires français présents au Mali à la fin du mois d’avril, 2000 resteront au mois de juillet, et moins d’un millier à la fin de l’année.
Le groupe écologiste encourage ce retrait, qui permet cependant de conserver une capacité d’action, mais surtout où le bilatéral ne vienne pas préempter le multilatéral.
En effet, la mission européenne EUTM Mali (composée de 200 formateurs, 150 soldats pour la force de protection, et le reste composant les personnels d’état-major, des unités médicales et du soutien logistique) a commencé, début avril, la formation d’unités de l’armée malienne. Cette mutualisation des savoirs et des compétences de chacun est essentielle au passage de relai.
Par ailleurs, l’intégration des forces africaines de la MISMA – en concertation avec nos partenaires maliens et l’ensemble des pays africains – à la MINUSMA (mission intégrée de stabilisation multidimensionnelle des Nations unies au Mali) semble bientôt pouvoir aboutir. La résolution de l’ONU, que j’évoquais ci-avant, devrait en effet pouvoir être adoptée le 25 avril, instaurant un volet sécurité, développement et humanitaire. Il s’agit d’une opération consistante avec un peu plus de 11200 militaires, 1440 policiers, ainsi que des experts civils. Son mandat consistera à appuyer les autorités maliennes dans la stabilisation du pays et à rétablir l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire.
Elle devra également appuyer les autorités maliennes pour organiser les élections et mener à bien un dialogue national inclusif. Ceci m’amène à aborder, la deuxième phase, celle du temps politique.
2- Le rétablissement de l’Etat malien, passe par la mise en place des conditions d’une refondation démocratique du Mali.
Lors de votre déplacement à Bamako du 5 avril dernier, vous avez, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, indiqué avoir constaté la volonté des autorités maliennes d’engager sans tarder le processus politique et la préparation des élections présidentielles pour le mois de juillet, ainsi qu’un processus de réconciliation nationale. Les élections législatives devraient, quant à elles, intervenir avant la fin de l’année 2013. Je tiens, ici, à rappeler que la communauté internationale devra faire preuve de pragmatisme, et qu’il sera essentiel que les Maliens eux-mêmes adhèrent aux résultats de leurs élections. Il faudra également que soit prise en considération la question du retour des réfugiés, et que leur participation effective aux différents scrutins puisse être assurée.
S’agissant de la réconciliation que nous appelons toutes et tous ici de nos vœux, il apparait comme essentiel qu’elle puisse se faire dans le respect de la diversité des populations maliennes, intégrant toutes les ethnies et régions du pays, et non qu’elle soit cantonnée à un schéma réducteur d’opposition Bambara / Touareg.
Je tiens ici à saluer la visite, le 11 avril, à Gao du Premier ministre malien de transition, M. Diango Cissoko. Ce déplacement constitue un acte symbolique extrêmement fort, participant également du processus de rétablissement de l’autorité de l’Etat, d’autant qu’il intervient au lendemain de la désignation des membres de la commission de dialogue et de réconciliation. Ceci témoigne évidemment de la volonté des autorités maliennes de mener à bien un processus politique, qui devra évidemment impérativement être accompagné par une phase de désarmement indispensable, notamment du MNLA. La reconstruction politique de l’Etat malien, devra également passer par le traitement judiciaire des atteintes aux droits humains constatés durant les conflits. Des enquêtes devront, en effet, être menées et toute la lumière devra être faite sur les accusations d’exactions et de tortures qui auraient été commises, notamment par des soldats maliens. Human Rights Watch nous a en particulier alertés via plusieurs communiqués publiés depuis le début de la guerre au Mali, concernant des hommes morts en détention à Bamako il y a une dizaine de jours, mais plus globalement s’agissant des atteintes aux droits de l’Hommes répertoriées depuis le début de l’année.
En outre, cette reconstruction politique et démocratique du pays devra nécessairement s’accompagner d’un renforcement de l’intégration régionale des Etats du sahel de façon à éviter la reconstitution d’une « internationale du crime » (trafic de drogues, d’armes, d’êtres humains…) et du terrorisme. Ce mouvement fut, d’ailleurs, amorcé par le Président du Tchad Idriss Déby quand il a relancé la CEN-SAD (Communauté des Etats Sahelo-sahariens) en février 2013.
3- Enfin, la phase du développement du Mali est évidemment essentielle pour gagner la paix.
La reconstruction sociale et économique du pays, passe tout d’abord par l’aide au développement qui sera l’enjeu de la conférence du 15 mai prochain. Comme l’ont rappelé nos collègues Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher, dans un rapport fait au nom de notre Commission des Affaires étrangères, de la défense, et des forces armées, et plus particulièrement à la 6ème recommandation dudit rapport, cette question pose quatre défis : la nécessité d’une approche globale, la coordination des bailleurs, la capacité « d’absorption » de l’aide internationale des Maliens et l’équilibre politique entre développement au nord et au sud du Mali.
J’ajouterai que les enjeux de développement nécessitent une mobilisation de tous les acteurs : l’Etat malien évidemment, mais aussi les élus locaux, les autorités et chefs traditionnels, la société civile, les ONG, la diaspora malienne, et les Français établis au Mali qui ont depuis le début apporté leur soutien au peuple malien. Au sujet des chefs traditionnels, nous avons encore récemment pu noter le rôle important qui est le leur, et notamment à l’occasion de la libération des otages français détenus au Nigeria. Aux côtés des autorités camerounaises et nigérianes, et de notre Gouvernement, ils ont su œuvrer à trouver cette issue favorable, que je suis extrêmement heureuse d’évoquer aujourd’hui, comme vous avez pu le faire, Monsieur le Premier Ministre, dès le début de votre intervention.
Aujourd’hui la France est donc pleinement engagée avec l’union Européenne pour le développement du Mali, comme cela a pu être rappelé à plusieurs reprises par Monsieur le Ministre délégué au développement. Au-delà c’est l’ensemble de la communauté internationale qui devra se mobiliser en faveur d’un réel développement du Mali. Nos objectifs de développement devront évidemment concerner l’ensemble du territoire malien, mais aussi l’ensemble de la région sahélienne.
Le groupe écologiste sera extrêmement attentif à cette étape essentielle en faveur d’une paix durable au Mali qui devra tenir compte des priorités en termes d’accès, notamment, à l’eau, à l’alimentation, aux soins et à la santé, à la scolarisation des enfants.
Mon collègue Joël Labbé, président délégué du groupe France-Afrique de l’Ouest pour le Mali, tenait enfin à ce que je puisse ici évoquer l’importante question du développement agricole, nécessaire remède à la pauvreté rurale et à la faim, qui restent malheureusement des réalités au Mali.
Il souhaite en particulier, qu’il soit rappelé que des villages entiers sont rachetés par des entreprises et que des violences sont commises contre les paysans qui refusent d’abandonner leurs terres.
Le Roppa, réseau des organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest est une association qui tire depuis plusieurs années déjà la sonnette d’alarme, et qui a d’ailleurs déposé plainte en 2012 auprès des autorités maliennes, ainsi qu’auprès de la cour de justice de la Cedeao, contre l’accaparement des terres d’un village entier nommé Samandougou. Le gouvernement y a répondu par la négative en indiquant que la terre appartenait à l’Etat malien et qu’il pouvait donc en disposer.
L’accaparement des terres agricoles constitue une pratique inique contre laquelle il faut lutter activement.
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Comme vous l’aurez compris, parce que le groupe écologiste souhaite qu’une paix durable puisse s’instaurer au Mali, il votera pour la prolongation de l’intervention française, en espérant que la phase militaire laissera rapidement place à une phase de reconstruction politique, économique et sociale.