Mon intervention au nom du groupe écologiste lors du « DÉBAT SUR LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE LA FRANCE » (8/01/2014)

À l’occasion du débat sur la politique étrangère de la France, je suis intervenue en séance publique le 8 janvier 2014. Le compte-rendu intégral des débats est également consultable sur le site du Sénat.

Séance publique, mercredi 8 janvier 2014 à 17h

Kalliopi ANGO ELA, sénatrice écologiste

représentant les Français établis hors de France

7 minutes

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,

Monsieur le Président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,

Mes cherEs collègues,

Avant toute chose, je tenais à me féliciter, avec le groupe écologiste, de la libération de Georges Vandenbeusch, survenue le 30 décembre dernier, notamment grâce aux efforts conjugués des autorités camerounaises, nigérianes et françaises. Sénatrice des Français établis hors de France, je suis en effet particulièrement sensible à la sécurité de nos compatriotes se trouvant à l’étranger et au sort de nos otages.

Ensuite, vous n’êtes pas sans savoir que les écologistes défendent une conception pacifique dans la conduite des affaires internationales, selon laquelle les interventions militaires sont un instrument de dernier recours.

En outre, nous entendons renforcer la spécificité de la politique étrangère de la France, dans le concert des nations, en optant pour une dynamique de concertation et d’engagements communs des différents acteurs, dynamique qui intègre avant tout les forces régionales.

I]Pour être efficace, la politique extérieure de notre pays doit se construire sur trois piliers : la réactivité, la pertinence et  la pérennité.

Pour être légitime, elle doit également favoriser l’émergence et l’épanouissement d’une « paix positive », partout où elle le peut.

En effet, comme l’explique le politologue norvégien Johan Galtung, il existe une distinction entre la « paix négative » et la « paix positive ». La « paix positive » met non seulement l’accent sur l’absence de guerre ou de conflit violent, mais aussi sur la mise en place de structures instaurant la justice sociale et favorisant le développement de toutes les populations ayant été touchées par la guerre.

La paix n’est pas seulement le désarmement, elle concerne, aussi et avant tout, la vie des populations.

Cette « paix positive » est aussi la plus difficile à construire.

La crise centrafricaine illustre tragiquement ce constat.

Par l’opération « Sangaris », la France a su faire preuve de réactivité face à la situation de guerre civile, ainsi qu’au funèbre cortège de massacres et de viols que les affrontements ont pu générer.

Le plus difficile commence alors, soit la nécessité de gagner la paix.

Le chaos qui règne dans ce pays est le résultat d’un marasme multifactoriel, alliant la nécrose du système politique à l’absence d’un Etat viable.

De fait, au fur et à mesure que l’ordre sera rétabli, la reconstruction de la Centrafrique s’effectuera dans la durée, par l’instauration d’institutions robustes et légitimes, ainsi que par la mise en place d’infrastructures réelles.

Cependant, l’établissement de processus de sortie de crise efficient doit s’inscrire dans une perspective globale.

Notre politique étrangère doit passer d’une logique, encore très marquée par le bilatéralisme, à un engagement résolument plus multilatéral.

En effet, le cadre multilatéral représente la plus pertinente échelle de résolution des conflits, tout en permettant à notre pays de faire valoir son expertise et ses savoir-faire, notamment en matière de formationmilitaire.

L’Europe doit, en particulier, s’impliquer de manière beaucoup plus active. Il est essentiel que les États membres, ainsi que les institutions de l’UE soutiennent concrètement cette intervention, tout comme cela aurait pu être d’avantage le cas au Mali.

Ainsi, un an après le début de l’opération « Serval » et au lendemain du second tour des élections législatives, la situation sécuritaire reste encore fort préoccupante, dans ce pays.

Je souhaite également rappeler ici, le sort dramatique fait aux enfants soldats, et dénoncer celui fait aux femmes victimes de viols, utilisés comme arme de guerre, notamment en RDC, pays à l’histoire tourmentée, qui peine à se reconstruire, après des années de guerre, et qui connait un regain de violences.

Dans ce contexte instable, il est donc essentiel de renforcer l’articulation entre Etats, organisations régionales (CEDEAO, CEEAC, IGAD, etc. )  et internationales (Union Africaine, Union Européenne, Nations Unies).

Cette approche serait, en effet, la plus à même d’éradiquer les formes physiques, culturelles et structurelles de la violence qui ronge les sociétés. Elle favoriserait l’émergence d’une véritable capacité à construire une paix durable.

II] Cette approche globale est également pertinente quant aux évènements se déroulant au Proche et au Moyen-Orient. Dans cette zone, la question du programme nucléaire iranien occupe une place centrale, au sein de l’agenda international.

Des doutes subsistent, près d’un mois après l’accord intermédiaire du 24 novembre dernier, signé à Genève, par Téhéran.

Vous avez, d’ailleurs, Monsieur le Ministre, fait part de vos interrogations dans un article du Wall Street Journal, daté du 18 décembre 2013, dans lequel vous déclarez : [ je cite] qu’ « il n’est pas certain que les Iraniens accepteront d’abandonner définitivement toute capacité à se doter de l’arme [nucléaire] ou seulement de suspendre le programme nucléaire. »

Dans ce contexte, ne faudrait-il pas encourager une nouvelle solution globale, en promouvant l’idée d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’armes de destructions massives au Proche et au Moyen-Orient ?

L’Afrique peut ainsi nous servir de modèle, avec la signature en 1996 du Traité de Pelindaba, faisant du continent une zone exempte d’armes nucléaires. En effet, l’Afrique du Sud a démantelé son arsenal nucléaire clandestin suite à cet accord.

Le Proche et Moyen-Orient restent, ainsi, au cœur des préoccupations internationales, notamment en Égypte, suite au renversement du président Morsi – État qui peine à retrouver le chemin de l’unité nationale depuis 2011 –, et aussi en Syrie, suite à l’utilisation d’armes chimiques.

Concernant la Syrie, le vote d’une résolution de l’ONU, en septembre dernier, sur la destruction de l’arsenal chimique du régime, constitue un premier pas. L’étape capitale se joue désormais, fin janvier, avec la tenue d’une conférence internationale, dite « Genève 2 », afin de trouver une solution politique à la guerre civile, dans une région où les violences contre les populations civiles n’ont que trop duré !

Tels sont les défis actuels auxquels la politique étrangère de notre pays est confrontée.

Notre diplomatie doit donc rester réactive, pertinente et aussi s’inscrire dans la durée, en adoptant une approche multilatérale renforcée.

Enfin, elle doit fondamentalement mettre l’accent sur la recherche d’une paix fondée sur la justice, qui intègre, bien entendu, le développement.

Je conclurai avec les propos de Roger Yomba Ngué, issus de son ouvrage intitulé : « Qui menace la paix et la stabilité en Afrique ? » : [je cite]

« Le plus important, c’est l’enseignement qu’on en tire et les décisions que l’on prend pour en sortir, afin de construire un avenir plus probant et prometteur pour les générations futures. »

Je vous remercie.

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