Les débuts symboliques d’Hollande en Afrique
Reçu avec égard et joie par les Sénégalais, le Président de la République effectuait sa première visite officielle en Afrique le 12 octobre 2012.
Avant d’aller à Kinshasa pour participer au sommet de la Francophonie, François Hollande a fait une étape d’une journée à Dakar, où il s’est adressé directement aux députés du Sénégal, fait rare, leur faisant notamment part de son admiration devant le nombre élevé de femmes siégeant dans cette assemblée: avec 42,7% de députées, l’assemblée nationale du Sénégal est en matière de parité bien plus exemplaire que son homologue française, qui ne compte que 26,9% de femmes sur ses bancs (au Palais du Luxembourg, les sénatrices ne constituent qu’un cinquième des effectifs).
En affirmant que la France avait des leçons à apprendre du Sénégal, sur la représentativité des femmes comme sur d’autres sujets, le Président de la République a tenté de jeter les bases d’une nouvelle relation entre la France et l’Afrique. Une relation basée sur une histoire commune dans laquelle chacun est redevable, où la valorisation est conjointe. Trois perspectives doivent être prises en compte pour comprendre les dynamiques ayant cours : celle de la France, celle de l’Afrique et celle du couple Afrique-France, avançant ensemble leurs nombreux intérêts communs. Le Président sénégalais, Macky Sall et le Président français, François Hollande ont montré dans leurs propos un attachement à cette vision, résolument tournée vers l’avenir.
Peu repris par la presse française, plusieurs aspects du discours du chef de l’Etat ont rempli les colonnes des journaux dakarois : sur toutes les bouches, l’assouplissement annoncé des conditions d’obtention des visas pour les étudiants et les artistes sénégalais a été par exemple reçu avec soulagement.
L’annonce de M. Hollande de transmettre au Sénégal les archives françaises est la reconnaissance de l’une des pages les plus sombres de la Libération, le massacre de Thiaroye[1] en 1944. Dans le cadre de cette démarche de restitution et de réappropriation de l’histoire à partir de la conservation des archives, notamment coloniales au Sénégal, des projets scientifiques communs ainsi qu’avec des équipes tierces, pourront être mis sur pied.
La visite du chef de l’Etat sur l’île de Gorée, centre névralgique de la traite négrière, a été un moment fort pour conquérir les cœurs, plus que de longs discours ne l’auraient permis. Les deux Présidents ont suivi les explications du guide et la symbolique était forte.
« Le décollage de l’Afrique, c’est maintenant » disaient les pancartes accueillant la délégation française à Dakar. Clin d’œil au slogan de campagne électorale de François Hollande et réorientation de celui-ci dans l’intérêt du continent. Du coté africain, les espérances sont fortes, des actes sont attendus, en particulier dans l’assistance à la renégociation des contrats d’extraction et des Accords de Partenariat Economique.
La transparence financière, composante centrale d’un renouveau des échanges entre l’Afrique et la France, se doit d’être patente et M. Hollande, en annonçant son soutien à la politique de contrôle qu’applique le Sénégal aux entreprises étrangères qui y extraient des ressources naturelles, l’a bien compris. En promettant l’absence d’ingérence de l’exécutif dans enquêtes sur les Biens Mal Acquis, il renforce cet engagement.
En termes d’Aide Publique au Développement, l’exécutif sera ici aussi jugé sur ses résultats, bien davantage que sur ses paroles. Les Africains y sont peu sensibles et depuis Georges Pompidou, ils ont vu tous les Présidents de la République Française annoncer leur volonté de remettre à plat la relation en l’Hexagone et le Continent. La Françafrique n’en a pas moins perduré, alimentée de part et d’autre. On ne peut donc que trouver légitime le scepticisme relatif avec lequel les nouvelles intentions de l’Élysée seront analysées en Afrique. En agissant sur le terrain, avec de nouvelles pratiques respectueuses et non plus arrogantes, la France peut aisément le faire taire.
Membre de la délégation française à Dakar, Kalliopi ANGO ELA est sénatrice écologiste des Français établis hors de France. Elle a vécu 25 ans au Cameroun.
[1] Nom du village sénégalais où des gendarmes français appuyés de troupes coloniales ont tiré sur des tirailleurs sénégalais, récemment démobilisés, qui manifestaient pour le paiement de leurs soldes. 35 tirailleurs ont été tués et 34 condamnés à de la prison.