« Ma question d’actualité au gouvernement du 17.10.13 sur Lampedusa et réponse du ministre des affaires étrangères »

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 Question d’actualité au Gouvernement :

Jeudi 17 octobre 2013

Kalliopi ANGO ELA

 Sénatrice écologiste représentant les Français établis hors de France

 

Suite à l’effroyable naufrage intervenu au large des côtes de l’île de Lampedusa, Madame la Sénatrice Kalliopi interpelle Monsieur Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, sur la nécessité de mettre en œuvre les engagements européens en la matière.

 

Voici le texte de la question :

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,

Mes chèrEs collègues,

 

 

 

Ma question s’adresse également à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.

Elle porte sur le drame du naufrage de Lampedusa, survenu le 3 octobre dernier. Plus largement, puisque l’on ne découvre malheureusement pas ces tragédies, elle concerne la nécessaire prise de conscience qu’il nous appartient d’avoir, après qu’environ 400 personnes ont encore trouvé la mort en mer Méditerranée, augmentant ainsi le déplorable et affligeant bilan de près de 25 000 décès depuis vingt ans dans des conditions similaires. 

Dans une tribune intitulée « Lampedusa : l’Europe assassine », les responsables des plus grandes organisations de défense des droits humains concluent : « Non, le drame de Lampedusa n’est pas le fruit de la fatalité. Il n’est dû ni aux passeurs voraces ni aux pêcheurs indifférents. Les morts de Lampedusa, comme ceux d’hier et de demain, sont les victimes d’une Europe enfermée jusqu’à l’aveuglement dans une logique sécuritaire, qui a renoncé aux valeurs qu’elle prétend défendre. » 

En effet, comme ont su l’affirmer récemment les écologistes au Parlement européen, il est désormais nécessaire « d’activer la directive sur la protection temporaire, de secourir les migrants en mer, de développer les programmes de réinstallation [et] de délivrer des visas humanitaires ». 

Il me semble, en effet, qu’« organiser la mobilité » et « développer les canaux légaux de circulation » sont les seuls moyens de protéger les migrants.

Notre groupe l’a d’ailleurs rappelé, hier, au Sénat, à l’occasion du débat préalable au prochain Conseil européen. 

Par ailleurs, le moment n’est-il pas venu de relancer le processus de Barcelone, à l’origine du partenariat Euromed, et de lui donner un nouveau souffle en invitant à une vision commune à l’échelon européen dans la résolution des conflits régionaux de la rive sud ? Cette solution passe évidemment par la reprise des négociations israélo-palestiniennes. N’est-ce pas le sens du rapport du 28 avril 2010 de M. Peillon ? 

En outre, au lieu de tenter péniblement de cautériser les plaies et de contenir l’hémorragie avec des garrots nommés Frontex ou Eurosur, attelons-nous à en soigner la cause via un processus de prévention passant par le développement et la solidarité internationale, et en poursuivant notre action au sein du Partenariat de Deauville pour soutenir les pays arabes en transition et l’Afrique subsaharienne. Ce sont les termes et le sens de la décision n° 2 du comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, du 31 juillet 2013 qu’il nous appartient désormais de réaliser.

 

Ma question, monsieur le ministre, est donc la suivante: le Président de la République s’étant engagé, la semaine dernière, à « proposer une politique à nos partenaires qui s’articulerait autour d’un triptyque prévention, solidarité, protection », quelles mesures concrètes le Gouvernement va-t-il mettre en œuvre afin de tenir cet engagement ?

 

Réponse du Ministère des affaires étrangères

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Madame la sénatrice, devant tous ces morts, je pense que sur toutes ces travées se ressent la même indignation que celle que vous venez d’exprimer.

La Méditerranée est devenue une espèce de cimetière à ciel ouvert et nous avons assisté à des scènes absolument épouvantables.
L’indignation est nécessaire, mais il faut maintenant passer à l’action. Vous y invitez non seulement le gouvernement français, mais aussi l’ensemble de l’Europe. Celle-ci s’articulera autour de deux axes, le développement et la protection.
Il faut déjà avoir à l’esprit que les migrants qui viennent en Europe ne le font pas par plaisir. Ils sont poussés par la faim et la misère, parfois par des régimes politiques abjects, comme en Érythrée.
Quelles que soient les mesures que l’on peut prendre, une mère qui sait que, en restant là où elle vit, ses enfants n’auront aucun avenir, voudra toujours s’en aller.
Une politique de développement est absolument fondamentale, personne dans cette enceinte ne peut le contester. Certains pays l’ont d’ailleurs pratiquée avec efficacité ; je pense notamment aux accords passés entre le Maroc et l’Espagne, mais aussi à d’autres initiatives ayant impliqué la France hier ou encore aujourd’hui. 
En même temps, il faut des actions de protection. Madame la sénatrice, je suis moins sévère que vous sur un certain nombre d’instances que vous avez citées, même si elles sont insuffisamment dotées. Nous avons besoin que Frontex puisse jouer pleinement son rôle, ce qui n’est pas le cas à cause des restrictions budgétaires contre lesquelles vous vous êtes d’ailleurs à juste titre élevée.
Nous avons aussi besoin qu’Eurosur fasse son travail, car nous devons agir beaucoup plus efficacement contre les filières de passage, qui sont indispensables aux migrants et qui pratiquent des tarifs effrayants. Véritablement, on rançonne la misère humaine !
Le Président de la République, en liaison avec le président du Conseil italien, a proposé de mettre ce sujet à l’ordre du jour du prochain Conseil européen qui se tiendra à la fin du mois d’octobre. Nous y travaillons avec nos collègues de l’Europe du Sud. Un certain nombre de mesures ont déjà été esquissées ; elles seront précisées au cours de cette prochaine réunion.
Croyez bien que nous sommes décidés à agir dans ce sens. Tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous considérons que l’indignation est absolument nécessaire, mais qu’elle ne remplace pas l’action politique, qui nous appartient à tous, pour que ce scandale puisse enfin cesser.

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