Mon intervention en discussion générale sur la proposition de loi relative à « l’indemnisation des personnes victimes des prises d’otages » (09/10/13)

Le 09 octobre 2013 a débuté au Sénat la séance publique sur l’examen d’une proposition de loi relative à l’indemnisation des personnes victimes des prises d’otages, déposée par la sénatrice Claudine Lepage.

Vous retrouverez, ci-dessous, mon intervention faite au nom du groupe écologiste durant la discussion générale.

Vous pouvez accéder au dossier législatif en cliquant ICI 

 

Séance publique, mercredi 9 octobre 2013

Kalliopi ANGO ELA, sénatrice écologiste

représentant les Français établis hors de France

Discussion générale, 6 min.

 

 

Monsieur le Président,

Madame la Garde des Sceaux,

Madame la rapporteure, Chère Esther,

Madame la sénatrice Lepage, Chère Claudine,

Mes cherEs collègues,

 

 

La présente proposition de loi part du constat suivant : les prises d’otages augmentent à travers le monde, et la France n’échappe, évidemment pas, à ce phénomène. Le nombre de nos compatriotes enlevés ou détenus en otages croît de façon inquiétante. L’annonce faite, ce matin, par le Premier Ministre, de nouveaux journalistes français détenus en Syrie en atteste malheureusement.

L’excellent rapport de ma collègue Esther Benbassa souligne, d’ailleurs, qu’hélas, « l’actualité nous montre […] que le fait d’être Français peut exposer certains de nos compatriotes présents à l’étranger à en être victimes…».

Je salue donc la position de notre Commission des lois, qui en a déduit qu’un  « effort de solidarité nationale tout particulier s’imposait »  à l’égard des victimes et de leurs proches.

Dès lors, le groupe écologiste partage et soutient fermement l’objectif porté par la proposition de loi de Madame la sénatrice Lepage, représentant – comme moi- les Français établis hors de France.

Visant à renforcer la sécurité juridique de ces victimes en reconnaissant explicitement un droit à l’indemnisation et à la réparation intégrale de leur préjudice, ce texte recouvre les valeurs défendues de longue date par les écologistes.

Comme le souligne la Cour des Comptes, dans son Rapport public de 2012, consacré à la politique d’aide aux victimes d’infractions pénales : «  La réparation des dommages causés est un élément essentiel de la « reconstruction » de la victime ».

Tout en apportant aux victimes de prises d’otages, la reconnaissance symbolique qui leur est due, l’adoption de cette proposition permettra d’harmoniser les modalités d’indemnisation.  Ainsi, TOUTES ces victimes  pourront obtenir la réparation intégrale de leur préjudice auprès des CIVI (Commissions d’Indemnisation des Victimes d’Infractions), lorsqu’elles ne relèvent pas des mécanismes institués par la loi de lutte contre le terrorisme de 1986.

Enfin, permettez-moi, ChèrEs collègues, toujours dans un souci de prise en compte de l’ensemble des victimes, d’apporter deux précisions, certes légèrement en marge du texte qui nous réunit, mais en lien direct avec ce sujet qui nous préoccupe.

D’une part, je souhaiterais, brièvement, aborder la question des victimes de prises d’otages relevant de la loi du 9 septembre 1986 précitée. Comme le souligne notre rapporteure, le Ministère des Affaires étrangères évalue à une cinquantaine, le nombre de Français retenus en otages à l’étranger entre 2009 et 2013, dont 35 dans le cadre d’un acte de terrorisme.

70 % des prises d’otages dont sont victimes nos compatriotes à l’étranger ne relèvent donc pas du régime d’indemnisation de droit commun.

Ainsi, lorsque la « prise d’otages », ou plutôt les faits constitutifs de la circonstance aggravante de l’infraction d’enlèvement et de séquestration, est qualifiée  d’actes de terrorisme au sens de l’article 421-1 du code pénal[1], le régime d’indemnisation des victimes relève d’une  procédure reposant sur le FGTI (Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions).

Je souhaite donc, sur ce point,  attirer l’attention de nos deux collègues Philippe Kaltenbach et Christophe Béchu, à qui notre commission des lois a, à juste titre, confié un rapport d’information sur les multiples dispositifs dont disposent les victimes d’infraction pénale pour obtenir réparation de leur préjudice.

Il me semble, en effet, nécessaire qu’une réflexion soit menée autour de ces procédures d’indemnisation relevant du  FGTI, et j’espère que ce rapport abordera cette question.

Trois éléments m’interpellent en particulier :

 

–      Premièrement : le fait que le MAE ne fasse toujours pas partie des Ministères membres du conseil d’administration du FGTI, alors que nous relevons, depuis le début de cette séance, que la majorité des prises d’otages de nature terroriste dont sont victimes nos compatriotes, se déroulent à l’étranger, et, depuis plusieurs années déjà. Ainsi, le Ministère des Affaires étrangères me semble avoir toute sa place aux côtés des quatre autres Ministères membres de ce CA.

–      Deuxièmement : les modalités d’évaluation de l’offre d’indemnisation, proposée aux victimes par le FGTI – en vertu de l’article L 422-2 du code des assurances-, dont certaines victimes ont eu à déplorer les montants parfois dérisoires. Ce qui me parait surprenant, en particulier,

–      (et troisièmement) lorsque l’on sait que ce fonds est alimenté par une contribution forfaitaire de 3,30 euros, prélevée sur chaque contrat d’assurance de biens (et qu’il n’est, dès lors, pas affecté par les contraintes de restriction du budget de l’Etat). Deux éminents professeurs en droit, Laurent Leveneur et Yvonne Lambert-Faivre, soulignent, d’ailleurs, cette incohérence dans leur Précis de droit des assurances.

–      Je suis donc ravie que ce rapport d’information soit prochainement présenté au Sénat par nos deux collègues, et j’espère , dans l’intérêt des victimes, que certaines de ses recommandations tendront à clarifier les modalités d’indemnisations, par le FGTI, des victimes de prises d’otages de nature terroriste, ainsi que le mode de fonctionnement de ce dernier.

D’autre part, – et j’en terminerai avec cette ultime remarque, car l’indemnisation des victimes passe par le droit à un procès équitable et un égal accès à TOUS à la justice – ,  je saisis l’opportunité de votre présence, Madame la Garde des Sceaux, pour manifester mon inquiétude quant à la diminution du budget de l’aide à l’accès au droit de 10% (soit 32 millions d’euros) dans le projet de loi de finances 2014, récemment présenté en Conseil des Ministres.

Je tenais en particulier, Madame la Ministre, à saluer dans cet hémicycle, votre intention de déposer un amendement, afin de revenir sur la refonte envisagée de l’indemnisation de l’aide juridictionnelle (comme vous l’avez déclaré il y a trois jours).

Tout comme vous, Madame la Garde des Sceaux, je pense également que nous avons « raison d’être plus exigeants avec la gauche » !

Après ces deux précisions, je réaffirme, comme vous l’aurez compris, Madame la sénatrice Lepage, Chère Claudine, que le groupe écologiste votera sans hésitation votre proposition de loi.

Je vous remercie de votre attention.

 

*       *       *

 

[1] C’est-à-dire, dès lors qu’ils sont : « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. »

Remonter