Mali : La guerre débute, préparons la paix !

Carte du Mali. Crédit: Section cartographique de L'ONU

Comme une majorité de Français et la quasi-totalité de leurs parlementaires, je considère l’intervention de la France au Mali, qui vient d’entrer dans sa quatrième semaine, comme justifiée. Après la conquête par les armées française, malienne et africaines des trois grandes villes du Nord Mali occupées par les islamistes (Gao, Tombouctou et Kidal), la guerre a maintenant une nouvelle configuration, moins aisée pour les forces armées françaises dont la présence dans la région est amenée à durer.

Au soutien presque unanime des premiers jours, les défections risquent pourtant de s’imposer au fil du temps, ce qui dès maintenant demande de préparer le long terme et la manière dont la sortie, forcément complexe, en sera négociée. Pour faire face à ce défi, le Président de la République, en visite à Bamako et à Tombouctou ce week-end devra laisser de côté l’antique devise Si vis pacem, para bellum  (si tu veux la paix, prépare la guerre), et en adopter une version actualisée : « prépare la paix dès que la guerre débute ».

Une crise régionale, un besoin de multilatéralisme

Figurant en 175ème position au classement de l’Indicateur de Développement Humain, le Mali est un pays au centre d’une crise que seule une approche régionale permet de comprendre et de résoudre: il n’y a pas de crise malienne, mais bien une crise sahélienne. Cette vision de la situation a été notamment illustrée par la dramatique prise d’otages dans l’installation gazière d’In Amenas en Algérie, à proximité de la Libye, par des combattants originaires de nombreux pays de la région, alliés de ceux se trouvant face aux armées africaines et françaises à des milliers de kilomètres de là.

Le passage au multilatéralisme se doit donc de réussir. La France, en partageant les responsabilités militaires et politiques avec les pays africains, notamment ceux de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) créée par la résolution 2085 du Conseil de Sécurité de l’ONU, a l’occasion de revoir son engagement en Afrique francophone et anglophone et d’agir comme un pays responsable et respectueux des Etats outre-Méditerranée, ce qui n’a été que trop rarement le cas dans l’histoire des relations entre les capitales africaines et Paris.

S’il est fondamental que les actions menées sur le territoire malien le soient sous conduite des forces africaines et dans une logique multilatérale, la gestion post-conflit devra elle aussi impliquer différents acteurs. Dans les conditions présentes, il n’y a pas lieu de contester la légitimité de l’Etat malien: c’est lui qui a demandé l’intervention des forces armées françaises, et il est essentiel de préserver la solidité de cet interlocuteur dans cette période de grande tension. Le processus politique de sortie de crise ne pourra néanmoins se faire que de manière démocratique et engager tous les acteurs en présence.

On ne saurait oublier que malgré les difficultés qui l’affectent actuellement, le Mali a encore beaucoup de potentiel pour redevenir le modèle de stabilité qu’il était pour le continent, notamment sous l’impulsion du Président Konaré qui avait fait de son pays un surprenant précurseur politique de 1992 à 2002.

 

 Sortir du conflit durablement

Les risques du conflit en matière humanitaire sont réels, on compte ainsi des centaines de milliers de déplacés au Mali et dans les pays frontaliers. Il faut d’ailleurs se féliciter de l’attention montrée pour cette question fondamentale par la France, à travers le récent déplacement de son ministre délégué chargé du Développement dans un camp de réfugiés maliens au Burkina Faso.

D’autre part,  la situation alimentaire, susceptible de se dégrader très rapidement, nécessite de l’anticipation, les bonnes récoltes de cette année ne suffiront que quelques mois si l’instabilité persiste et empêche le retour du travail aux champs.

L’accent doit être mis sur la reconstruction de la paix, et sur le fait que l’aide au développement au Mali devra dorénavant prendre la forme d’un accompagnement de sortie de conflit ayant pour objectifs le bien-être de tous les peuples et sociétés vivant au Mali (notamment Touareg, Maures, Peul, Songhaï, Bozo…) dans le respect des identités de chacun.

Par ailleurs, il y a au Mali un développement écologique durable à inventer ensemble. La dynamique habituelle de mise en place des politiques de développement peut être redéfinie : le Mali et la France, l’Afrique et l’Europe ont à apprendre mutuellement.

Seul un respect strict de ces principes permettra une paix durable.

 

Une couverture médiatique restreinte

Bien que le sujet soit constamment évoqué, le contrôle exercé sur le flux d’informations en provenance des zones de combat est troublant : trop peu de renseignements précis ne nous parviennent du terrain, et on constate par exemple une cruelle absence d’éléments relatifs aux victimes civiles. L’organisation internationale Human Right Watch avait bien signalé dans les tous premiers jours de l’intervention le décès de 10 civils, dont trois enfants morts noyés alors qu’ils tentaient d’éviter les bombardements, mais les médias français ne semblent pas s’intéresser outre-mesure au sort de la population civile prise au milieu des combats. Il est regrettable d’observer dans la presse une telle différence d’intensité d’information concernant les civils et les militaires.

En tant que Sénatrice représentant les Français établis hors de France, et ayant habité 25 ans en Afrique centrale, je tiens également à attirer l’attention sur la situation particulière dans laquelle se trouve la communauté française résidant au Mali, souvent conjoints et familles de Maliens, qui ne peuvent ou ne veulent pas être rapatriés ou venir en France. Leur sort est indissociable de celui des Maliens.

Il est primordial de dessiner dès aujourd’hui un cadre permettant un développement post-conflit indispensable pour améliorer de façon significative la qualité de vie des hommes et des sociétés au Mali. C’est sur ce critère que l’on pourra juger la décision de la France.

 

Carte du Mali. Crédit: Section cartographique de L'ONU

 

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